Heidemarie Wieczorek-Zeul est
Ancienne ministre allemande du développement et de la Coopération économique et
Vice-présidente pour l’Allemagne des Amis du Fonds Mondial Europe
La taxe sur les transactions financières a été conçue avec un objectif clair dans un projet ambitieux. L’Allemagne présidera le Sommet du G7 l’an prochain. Une belle occasion. Nous devons la saisir!
C’était à New-York en 2000. Les diplomates de plus de 190 pays négociaient les premières versions des « Objectifs du Millénaire pour le Développement »: à l’aube du nouveau millénaire, les gouvernements du monde entier voulaient réduire l’extrême pauvreté de moitié en seulement 15 ans. Une magnifique ambition.
Je me souviens très exactement d’avoir pris place dans la vénérable salle de l’Assemblée Générale des Nations Unies, et d’avoir suivi les conclusions de chaque rapporteur. Je n’oublierai jamais le discours d’un représentant d’un pays en développement. Il était déchiré entre scepticisme et sympathie pour cet ambitieux projet. Voici un nouvel élan pour améliorer la situation des pauvres, disait-il. Nous avons connu bien des tentatives qui n’ont pas abouti. Très souvent les promesses n’ont pas été tenues. Mais il était prêt à se laisser convaincre, et cria: « Surprenez-moi »
Le désir de créer cette « surprise » était énorme. La guerre froide était terminée. Il semblait désormais que nous pouvions aborder ensemble la question des défis mondiaux. Deux ans auparavant, nous avions réussi à organiser un allégement de la dette des pays les plus pauvres. Quatre années plus tard, alors que les premiers problèmes liés à la mise en oeuvre des Objectifs du Millénaire pour le développement apparaissaient clairement, l’imagination, le rêve de mettre fin à la pauvreté dans le monde, étaient toujours bien vivants. Nelson Mandela parlait à Trafalgar Square à Londres devant des dizaines de milliers de personnes, » Parfois, il appartient à une génération d’être grande. Vous pouvez être cette génération. »
L’an prochain verra le terme que s’est donné l’humanité pour réduire de moitié la pauvreté. Au cours de cette année très particulière, l’Allemagne aura la lourde tâche d’accueillir et de présider le Sommet du G7 – ce groupe d’Etats toujours aujourd’hui générateur d’impulsion dans le règlement d’enjeux mondiaux. Cette ambiance si particulière, celle du rêve, n’est plus beaucoup ressentie. Bien sûr, le monde est aujourd’hui très différent de ce qu’il était il y a quatorze ans. Beaucoup a été fait dans la lutte contre la pauvreté – mais nous sommes encore loin d’avoir atteint tout ce que nous espérions. En outre, le monde fait face à une crise du système financier sans précédent – qui n’épargne pas les plus pauvres. Un simple exemple : pour la seule année 2011, les pertes économiques et financières liées à la crise de l’Euro ont pesé pour environ 240 milliards de dollars US sur la croissance économique de l’ensemble des pays en développement!
C’est dans un tel contexte que la taxe sur les transactions financières a vu le jour. Elle ne doit pas être un moyen facile de combler les déficits budgétaires. Elle a été conçue comme un outil de lutte contre la pauvreté et de contrôle des marchés financiers. Des personnes engagées ont mené une bataille acharnée à travers le monde pour que la taxe sur les transactions financières figure à l’agenda de l’Union Européenne. Quelle opportunité! Quel signal fort que d’introduire cette taxe en cette emblématique année 2015 – et à l’initiative de l’Allemagne. Mais à quelques mois seulement du sommet historique du G7, ce signal est menacé par des négociations techniques – et peut-être même par le découragement.
La pression du secteur financier dans certains pays partisans de la taxe tels que La France, semble être énorme. Il bataille encore sur certains aspects techniques – par exemple, l’intégration des dérivés dans l’assiette de la taxe et dont les effets potentiellement négatifs sur les marchés financiers pourraient être ainsi freinés ; de plus, les opérations sur instruments dérivés représentent environ 80% des revenus potentiels de la taxe sur les transactions financières.