16 avril 2014

KINGSTON, Jamaïque – Les représentants du gouvernement, la société civile et les partenaires techniques de neuf pays caribéens ont mené d’intenses discussions pour identifier comment les nouveaux financements disponibles grâce aux généreuses contributions de donateurs majeurs du Fonds mondial les aideront à maîtriser l’épidémie de sida et à créer des systèmes de santé pérennes.

Dans cette région, beaucoup de pays financent la majorité de leurs programmes nationaux mais des ressources supplémentaires pourraient jouer un rôle déterminant.

Beaucoup de participants à la réunion s’accordaient à reconnaître qu’en recourant au nouveau modèle de financement pour mieux cibler les groupes les plus vulnérables, ils pourraient obtenir un impact plus marqué et faire chuter plus nettement les taux d’infection, contribuant ainsi à pérenniser les interventions en matière de santé.

« Nous voulons utiliser le nouveau modèle de financement pour renforcer le système de santé et nous devons mettre l’accent sur une approche communautaire », a déclaré Florence Guillaume, ministre de la Santé d’Haïti. « En créant une base solide dans des pays comme Haïti, nous pourrons améliorer l’impact sanitaire et préserver les résultats obtenus. »

« Si nous pouvons démontrer que financer la santé n’est pas une démarche philanthropique mais un investissement dans l’accès aux services, la bonne santé de la population sera assurée. Une main-d’œuvre dont la santé est préservée favorise la croissance et réduira la dépendance à l’égard des donateurs extérieurs », a précisé Mme Guillaume.

Parmi les partenaires représentés à la réunion figuraient l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS), le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et le Plan d’urgence du Président des États-Unis pour la lutte contre le sida (PEPFAR).

Le nouveau modèle de financement est conçu pour tenir la promesse de partenariat à l’origine de la création du Fonds mondial en 2002, en rendant les subventions plus efficaces et en renforçant l’impact, afin que plus de personnes puissent accéder à la prévention, à la prise en charge et au traitement. Cela suppose notamment que les pays s’approprient fermement la riposte au VIH et qu’une place prépondérante soit accordée aux droits de l’homme.

Plus de 250 000 personnes vivaient avec le VIH dans les Caraïbes en 2012, et c’est dans cette région que la prévalence du virus est la plus élevée au monde, en dehors de l’Afrique subsaharienne. Malgré des taux de mortalité ayant chuté de plus de moitié en dix ans, la prévalence du VIH chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes est supérieure à 30 pour cent dans certains pays.

« Le nouveau modèle de financement donne à la société civile la possibilité de participer au dialogue au niveau du pays et de formuler des observations qui alimenteront la note conceptuelle », a expliqué Jaevion Nelson, responsable du plaidoyer du forum J-FLAG (Jamaica Forum of Lesbians, All-Sexuals and Gays). M. Nelson est un membre suppléant du Conseil d’administration du Fonds mondial représentant les ONG des pays en développement.

« Les financements risquant de se tarir et parce que la Jamaïque pourrait devenir un pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, nous devons investir l’argent dont nous disposons pour obtenir des résultats durables, et pas parce qu’il faut le dépenser », a ajouté M. Nelson.

Le nouveau modèle de financement encourage les pays à instaurer un dialogue approfondi avec toutes les parties prenantes, notamment les groupes affectés, la société civile, les partenaires techniques et le secteur privé, avant de rédiger une note conceptuelle destinée au Fonds mondial qui décrira en détail comment investir la somme allouée pour obtenir un impact maximal.

Dans le cadre de ce nouveau modèle, le Fonds mondial allouera près de 600 millions de dollars US à l’Amérique latine et aux Caraïbes pour la période 2014-2016, soit un montant supérieur à celui reçu par cette région ces quatre dernières années.

« Le précédent système engendrait beaucoup d’insatisfaction liée à ses nombreuses lourdeurs bureaucratiques », a indiqué Mirta Roses Periago, membre du Conseil d’administration du Fonds mondial représentant l’Amérique latine et les Caraïbes. « Aujourd’hui, chacun constate que les règles du jeu sont claires, puisque la somme allouée à un pays est connue. Le processus est simple, très transparent, et vous savez à quoi vous attendre si vous remplissez les critères. »

Après la rencontre régionale, le Partenariat pan-caraïbe contre le VIH/sida (PANCAP) a organisé une consultation, conduite par Denzil Douglas, Premier ministre de Saint-Kitts-et-Nevis, et le professeur Edward Greene, Envoyé spécial du Secrétaire des Nations Unies pour le VIH dans les Caraïbes, afin d’impulser un programme visant à surmonter la stigmatisation et la discrimination dans la région, appelé « Justice pour tous ».

Le PANCAP, lancé en 2001 par les chefs de gouvernement de la Communauté des Caraïbes (Caricom), facilite la coordination entre les programmes nationaux de lutte contre le VIH et les organisations internationales et régionales engagées dans le combat contre le sida dans les Caraïbes.

Quatre ministres de la Santé ont participé à la consultation, menée en collaboration avec le ministère de la Santé jamaïcain, l’ONUSIDA et l’Université des Antilles.

« Nous savons ce qu’il faut faire et nous disposons des outils nécessaires pour mettre un terme à l’épidémie mais nous commençons à constater qu’un nombre croissant de personnes sont laissées pour compte », a commenté Luiz Loures, Directeur exécutif adjoint de la branche Programme de l’ONUSIDA. « Nous n’atteindrons pas notre objectif si nous n’adaptons pas notre action. »

La dépénalisation des lois punissant les comportements homosexuels est nécessaire mais pas suffisante – il faut également s’efforcer de réduire la stigmatisation, la discrimination et la violence que suscitent ces comportements », a indiqué Mandeep Dhaliwal, Directrice du groupe VIH, santé et développement du PNUD, lors d’une présentation.

« Les outils scientifiques ne suffisent pas pour stopper la propagation du VIH et inverser la tendance. Pour qu’une riposte au sida donne des résultats, il est essentiel d’instaurer des environnements juridiques favorables », a ajouté Mme Dhaliwal.

Les délégués se sont mis d’accord pour soumettre à l’approbation des dirigeants caribéens une déclaration préconisant une série de mesures, notamment des lois réprimant plus sévèrement la violence domestique et l’interdiction de la discrimination au travail fondée sur le statut VIH, le handicap et l’orientation sexuelle, d’ici 2015, ainsi qu’une réforme des lois criminalisant les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes.

« Nous soutenons le programme « Justice pour tous » et la nécessité d’une approche fondée sur les droits de l’homme. Nous avons la conviction que le Fonds mondial, c’est vous, et que nous sommes ici pour vous aider et vous servir », a déclaré Mark Dybul, le Directeur exécutif du Fonds mondial qui assistait au lancement de la réunion de consultation.

Un récent rapport du ministère de la Santé sur l’épidémie de VIH en Jamaïque indiquait que les lois discriminatoires entravaient les efforts pour offrir un accès à des services de santé de qualité aux hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, ceux-ci « craignant des sanctions pénales lorsqu’ils auraient révélé leur orientation sexuelle ».

Le ministre de la Santé jamaïcain Fenton Ferguson a indiqué qu’il faudrait du temps pour que les attitudes sociales à l’égard des personnes vulnérables évoluent, même si la législation discriminatoire est en cours de révision. « C’est un processus très lent et les changements n’interviendront pas du jour au lendemain », a-t-il indiqué. « Si vous comparez la situation en Jamaïque d’il y a 30 à 40 ans à celle d’aujourd’hui, vous constaterez que malgré la discrimination, nous avons fait beaucoup de chemin. »