Tribune de M. Alain Joyandet dans le quotidien « Le Monde »

Paris, 6 novembre 2008

La France n’entend nullement renoncer à son effort de solidarité en faveur des pays en développement.

La crise sans précédent que nous traversons est propice à tous les raccourcis ! On a beau jeu d’opposer les largesses consenties aux banques à la pingrerie des Etats riches vis-à-vis des pays les plus démunis. Au-delà des chiffres colossaux annoncés pour sauver le système, revenons aux faits.

Primo, la gravité de la situation nous force à admettre qu’aucun pays du monde ne sera épargné par l’onde de choc partie des Etats-Unis. Le sauvetage des banques, qui vise à restaurer la confiance, n’est pas contraire aux intérêts des pays en développement. Nous ne pouvons nier que la récession, si elle devait se prolonger, aura un impact : moins de croissance, cela signifie pour les pays les plus pauvres moins de commerce, d’échanges et d’investissements directs étrangers…

Deusio, personne n’envisage de revoir à la baisse les engagements de solidarité internationale pris au plus haut niveau. Le président de la République l’a redit de manière claire lors du récent sommet de Québec : le plan de sauvetage des banques ne sort pas directement du budget de l’Etat. L’effet d’éviction sur les moyens consacrés à l’aide publique au développement sera par conséquent très faible.

La France maintiendra donc son effort de solidarité dans les années à venir et 2009 marquera ainsi la remontée de notre aide publique au développement à 0,42 % de notre PIB, voire à 0,47 % en fonction du niveau des annulations de dettes. Cette augmentation intervient après une légère décrue en 2006 et 2007 (autour de 0,38 %). Reste que pour atteindre l’objectif ambitieux de 0,7 % de notre PIB en 2015, il nous faudra, il est vrai, consentir des efforts importants dès 2011.
Pour tous ceux, enfin, qui douteraient de la volonté de la France de tenir ses engagements, rappelons que notre pays demeure le troisième plus important donateur au monde, derrière les Etats-Unis et l’Allemagne. En 2007, le volume total de notre aide représentait 7 milliards d’euros ; un montant qui inclut, outre l’effort budgétaire, les annulations de dettes, la prise en charge des étudiants étrangers ainsi que l’accueil des réfugiés.

Dans le projet de loi de finances pour 2009, les crédits budgétaires qui concourent à la mission d’aide publique au développement progressent d’environ 5 % entre aujourd’hui et 2011. Cette augmentation de nos moyens permettra pour l’essentiel d’honorer nos engagements internationaux, qu’il s’agisse de notre contribution au Fonds européen de développement ou au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

Pour maintenir le volume de nos interventions bilatérales, il nous faudra par ailleurs avoir recours à deux instruments complémentaires des subventions inscrites au budget de l’Etat : les financements innovants, comme la taxe sur les billets d’avion qui aura rapporté plus de 160 millions d’euros ; les crédits à taux préférentiels qui permettent de financer des projets d’infrastructure ambitieux, indispensables à toute croissance durable.

Ne négligeons pas par ailleurs les formidables leviers dont nous disposons, à titre bilatéral, avec l’ensemble des instruments financiers de l’Agence française de développement (AFD), opérateur principal de la coopération française qui, dès l’an prochain, augmentera d’un milliard d’euros ses concours aux pays en développement. Avant la crise financière, le président Sarkozy avait annoncé la création de deux fonds de garantie et d’investissement, dotés chacun de 250 millions d’euros. C’est chose faite et ils seront opérationnels début 2009 : le fonds d’investissement permettra de catalyser près d’un milliard d’euros de capital-risque en Afrique et le fonds de garantie permettra aux plus petites entreprises africaines d’avoir accès au crédit bancaire, qui fait aujourd’hui cruellement défaut. Ainsi, la France ne choisit pas entre les banques et les pauvres : par gros temps, notre solidarité à l’égard des plus démunis reste un axe majeur de la diplomatie française.