Tribune publiée dans Le Monde, mardi 25 avril 2022

Journée mondiale de lutte contre le paludisme

Chaque minute, un enfant de moins de cinq ans meurt du paludisme 

Monsieur le Président : augmentez votre contribution au Fonds mondial

 

Une maladie mortelle évitable qui continue à gagner du terrain 

En 2020, sur les 241 millions de cas de paludisme déclarés, 627 000 personnes sont mortes de la maladie. Ce sont 14 millions de cas supplémentaires et 47 000 décès de plus qu’en 2019, comme le déclarait l’Organisation mondiale de la Santé dans son rapport annuel publié en décembre 2021. Les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans représentent 80% des décès dus au paludisme. L’Afrique subsaharienne enregistre 95% des cas de paludisme et 96% des décès dus à la maladie. 

Aujourd’hui, chaque minute, un enfant de moins de cinq ans meurt du paludisme dans le monde. Si cette maladie – transmise par piqûre de moustiques anophèles femelles infectées – décimait encore les enfants et les femmes enceintes en Europe ou en Amérique du Nord, les investissements dans la lutte contre le paludisme auraient sans nul doute été aussi rapides et massifs qu’ils ont pu l’être pour la Covid-19.

Ne nous leurrons pas. Il s’agit bel et bien d’une maladie des pauvres, qui affecte en très grande majorité les populations les plus éloignées des systèmes de santé. Eloignées géographiquement, éloignées en raison de discriminations persistantes, éloignées par manque de considération de la part des autorités locales, régionales, nationales, internationales.

Des progrès ont pourtant été réalisés ces deux dernières décennies. Au début des années 2000, le paludisme entraînait la mort de près de 900 000 personnes. Mais depuis cinq ans, la lutte contre le paludisme stagne. Elle a même reculé notamment en raison de la pandémie de Covid-19 qui a entravé le bon déroulement de l’approvisionnement des produits de lutte antivectorielle et perturbé les services de prévention. 

Convergence des menaces

Dans les pays où la charge de paludisme est la plus élevée – principalement en Afrique subsaharienne – les résultats tendent à diminuer. Ces régions font face à d’autres menaces sanitaires, humanitaires, climatiques. Cette dernière nous préoccupe particulièrement. Les changements climatiques entraînent notamment la hausse des inondations et favorisent l’émergence des moustiques vecteurs de paludisme. Ainsi, certains pays qui ont pu éliminer le paludisme courent le risque de voir ressurgir cette maladie. Le réchauffement de la planète entraînera indubitablement une recrudescence et une propagation des maladies vectorielles telles que le paludisme dans certaines régions du monde.

La Covid-19 a également fortement perturbé les programmes de lutte contre le paludisme. Dès le début de la pandémie, le Fonds mondial a mis en œuvre un mécanisme de réponse à la crise sanitaire et a permis aux pays bénéficiaires des financements du Fonds mondial d’atténuer les impacts de la crise sur les programmes de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Au Niger et Bénin par exemple, plus de 8 millions de moustiquaires ont pu être distribuées au domicile des habitants afin d’éviter les rassemblements en période de Covid-19.

Le Fonds mondial fournit plus de la moitié des investissements internationaux dédiés à la lutte contre le paludisme dans le monde. Ses investissements dans les programmes de lutte antipaludique totalisent à ce jour environ 15 milliards de dollars US afin de mener des actions de prévention à travers la distribution de matériel de lutte antivectorielle, de diagnostic et de traitement. Autant d’investissements qui ont montré leur efficacité et leur impact, puisque le taux de mortalité du paludisme a diminué de 47 % pendant la période 2002-2020 dans les pays où le Fonds mondial investit.

2022 : Une année cruciale à moins de 10 ans des Objectifs de développement durable

En 2015, l’Assemblée Générale des Nations Unies a adopté les Objectifs de développement durable et s’est engagée notamment à mettre fin au sida, à la tuberculose et au paludisme d’ici 2030. Nous sommes aujourd’hui à moins de dix ans de ces objectifs, et nous sommes très loin de les atteindre.

En septembre prochain, les Chefs d’Etat et de gouvernement et les donateurs privés se réuniront pour lever les ressources du Fonds mondial pour les trois années à venir. Le Fonds mondial a calculé que 18 milliards de dollars US minimum étaient nécessaires pour 2023-2025 pour retourner sur la voie de l’élimination du sida, de la tuberculose et du paludisme d’ici 2030, renforcer les systèmes de santé et la préparation aux pandémies futures.

Seul un geste puissant de la part de la communauté internationale pourra permettre au Fonds mondial et à ses partenaires de continuer de répondre aux menaces sanitaires présentes et à venir. Les Etats-Unis ont donné le ton en promettant 2 milliards de dollars US par an à partir de 2023, laissant entrevoir une contribution américaine totale de 6 milliards pour les années 2023-2025, à condition que 12 milliards de dollars soient réunis par les autres donateurs.

Monsieur le Président, augmentez la contribution française au Fonds mondial !

En tant que seconde donatrice historique et hôte de la précédente conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial, et actuelle présidente du Conseil de l’Union européenne, la France doit porter cet engagement multilatéral en réhaussant sa contribution et en s’assurant de la mobilisation de ses partenaires pour faire de cette reconstitution un succès. Elle doit démontrer sa détermination à une véritable coopération et solidarité internationales et son attachement à la réalisation des Objectifs de développement durable en matière d’élimination du paludisme, au même titre que du VIH/sida et de la tuberculose.

La France doit envoyer un signal fort. Ne pas augmenter la contribution française au Fonds mondial aurait un coût insoutenable qui se compterait en vies sacrifiées. 

Le Fonds mondial a sauvé 44 millions de vies depuis sa création. Aidons-le à en sauver des dizaines de millions de plus.

 

Liste des signataires :

Mike Attah, Administrateur, Forim

Maelle Ba, Responsable Communication stratégique, Speak Up Africa

Luc Barruet, Directeur Fondateur, Solidarité Sida

Hélène Berger, Directrice Exécutive, Amis du Fonds Mondial Europe

Patrick Bertrand, Directeur Exécutif, Action Santé Mondiale

Ousmane Bocar Diagana, Président, Association pour la Promotion de la langue et de la culture Soninké ; Confédération Internationale des Associations Soninké

Serge Breysse, Directeur Exécutif, Solthis

Lamine Camara, Président, Coordination des élus français d’origine malienne (CEFOM)

Sylvie Carillon, Présidente, Crips Île-de-France – prévention santé sida

Romain Da Costa, Président du Haut Conseil des Béninois de l’Extérieur (HCBE) et de l’association Au Coeur de la Diversité en Seine-Saint-Denis

Demba Diabira, Président, Haut Conseil des Maliens de France et d’Europe

Waly Diawara, Président, Ensemble pour l’Espoir et le Développement (EED)

Aurélie Gal-Régniez, Directrice Exécutive, Equipop

Hakima Himmich, Présidente, Coalition PLUS

Diawara Issa Mansega, Secrétaire Général adjoint, Bureau des Communautés Mauritaniennes dans le Monde ; Président du Bureau en France

Dr Corine Karema, Directrice par interim, Partenariat RBM pour en finir avec le paludisme

Rosemary Mburu, Coordinatrice, GFAN AFRICA

Olivia Ngou, Coordinatrice mondiale, CS4ME

Maryline Noah, Chargée de plaidoyer, Impact Sante Afrique

Naomi Poppy Tshibola, Présidente, Conseil des Jeunes Congolais de la Diaspora (CJCD)

Jean-Luc Romero-Michel, Président, Elus Locaux Contre le Sida (ELCS)

Camille Spire, Présidente, AIDES

Najat Vallaud Belkacem, Directrice France, ONE

Mams Yaffa, Fondateur, Esprit d’Ebène

 

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