Tribune interassociative parue dans Le Figaro Santé le 21 janvier 2019.

Associations signataires : Action Santé mondiale, Amis du Fonds Mondial Europe, Coalition PLUS, ONE, Oxfam France, Sidaction, Solidarité Sida, Solthis.

Lutte contre les pandémies : la France de retour au premier plan ?

Lever au minimum 14 milliards de dollars auprès des Etats, et notamment ceux du G7, pour combattre les grandes pandémies, c’est le défi que doit désormais relever la France. Cet objectif financier a été annoncé le 11 janvier par le président Emmanuel Macron[1], qui accueillera la Conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme à Lyon le 10 octobre. Cet objectif aurait pu être plus ambitieux au regard des besoins réels qui restent à financer. D’autant que nous sommes à un moment charnière dans l’atteinte des objectifs des Nations Unies : éliminer les pandémies d’ici à 2030[2], un engagement international acté en 2015. Mais le plus important aujourd’hui n’est-il pas de poursuivre les efforts dans une volonté commune ?

Un relâchement des financements internationaux provoquerait une reprise en force des épidémies et la riposte pour en reprendre le contrôle serait encore plus onéreuse. Les acquis gagnés ces trente dernières années demeurent aujourd’hui fragiles. Depuis 2010, les nouvelles infections à VIH[3] ont augmenté de 60% en Europe de l’Est et en Asie centrale. Plus d’un million d’enfants séropositifs attendent un traitement pédiatrique. 1,6 million de personnes sont décédées de la tuberculose[4] en 2017 et deux personnes sur cinq ne savent pas qu’elles en sont atteintes. Et pour la première fois depuis une décennie, le nombre de cas de paludisme[5] a augmenté de 5 millions entre 2015 et 2016.

Le Fonds mondial est un instrument financier qui a prouvé son efficacité. Il a été créé en 2002 à l’initiative du G7. Au moment même où les inégalités d’accès aux traitements contre le sida étaient les plus criantes : les malades des pays développés découvraient les bienfaits de la trithérapie tandis que ceux des pays en développement étaient abandonnés à leur sort. Par le jeu de la solidarité internationale, le Fonds mondial a non seulement permis d’apporter les traitements aux populations les plus démunies contre les pandémies meurtrières mais aussi de renforcer les systèmes de santé.  Ses résultats sont spectaculaires, massifs et concrets.

Depuis sa création, le Fonds mondial a sauvé plus de 27 millions de vies[6]. Le nombre de décès liés au VIH, à la tuberculose et au paludisme a baissé d’un tiers. Rien qu’en 2017, dans les pays à revenus faibles et intermédiaires où le Fonds mondial investit, 17,5 millions de personnes étaient sous traitement antirétroviral contre le VIH, 5 millions de patients atteints de tuberculose ont été traités et 197 millions de moustiquaires distribuées. Dans l’espace francophone, le Fonds mondial a investi près de 6,9 milliards de dollars[7], permettant de mettre sous traitements anti-VIH plus d’1,1 million de personnes depuis 2012.

Cet impact sur la santé des personnes, le Fonds mondial le doit à la diversité de ses partenaires : organismes publics bilatéraux, institutions multilatérales et techniques, entreprises privées, fondations, pays maîtres d’œuvre, groupements de la société civile et personnes touchées par les maladies. Avec 14 milliards de dollars, il pourra sauver 16 millions de vies supplémentaires, réduire de moitié le taux de mortalité imputable aux trois maladies, et construire des systèmes de santé plus solides d’ici à 2023[8] (date à laquelle il fera de nouveau appel à la solidarité internationale pour un nouveau cycle financier de trois ans).

Dans cette histoire si particulière, la France a joué un rôle moteur tant sur le plan scientifique que politique. C’est un médecin français, Alphonse Laveran, qui est à l’origine de la découverte du parasite responsable du paludisme, offrant à la France son premier prix Nobel de Médecine. Le vaccin BCG, qui a permis de faire de remarquables progrès contre la tuberculose, a été initié par des Français. Quant au virus responsable du sida, il a été découvert par des chercheurs de l’Institut Pasteur, également récompensés du prix Nobel de Médecine. Sur la scène diplomatique, le président Jacques Chirac est celui qui a impulsé la riposte mondiale en créant le Fonds de solidarité thérapeutique à la fin des années 90, quand le virus décimait des populations entières en Afrique. C’est encore la France qui a ouvert la voie aux financements innovants (tels que la taxe sur les transactions financières et la taxe sur les billets d’avion) pour disposer de fonds nécessaires sans que cela ne pèse sur le contribuable. Enfin, la France est le pays européen qui a le plus contribué au budget du Fonds Mondial. Cet héritage est l’une des fiertés de notre pays et doit le rester.

Le Président Emmanuel Macron a désormais la responsabilité de redonner à la France tout son leadership dans la lutte contre les grandes pandémies et de faire de la reconstitution du Fonds mondial un succès de la solidarité internationale. S’engager dans ce combat, c’est contribuer à un monde plus juste, plus stable, plus confiant, plus prospère. C’est choisir de lutter contre les inégalités mondiales.

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[1] Communiqué de l’Elysée : https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2019/01/11/entretien-directeur-general-organisation-mondiale-de-la-sante-oms
[2] Parmi les Objectifs du développement durable définies par les Nations Unies en 2015, le 3e est consacré à la santé et à la fin des grandes épidémies. https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/health/
[3] « Miles to go », ONUSIDA, novembre 2018, http://www.unaids.org/en/20180718_GR2018
[4] Rapport 2018 sur la tuberculose », OMS, septembre 2018, https://www.who.int/tb/publications/global_report/en/
[5] « Rapport mondial 2018 sur le paludisme », OMS, novembre 2018, https://www.who.int/malaria/publications/world-malaria-report-2018/en/
[6] Impact du Fonds mondial : https://www.theglobalfund.org/fr/impact/
[7] Impact du Fonds mondial dans l’espace francophone : https://www.theglobalfund.org/en/publications/impact-reports/
[8] Communiqué du Fonds mondial : https://www.theglobalfund.org/fr/news/2019-01-11-global-fund-announces-us14-billion-target-to-step-up-the-fight-against-aids-tb-and-malaria/